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Et Châteauroux a mis dans le mille...

Moins médiatisée que la saga basket, l’histoire du tir, parti de La Courneuve en Seine-Saint-Denis pour atterrir à 279 km, dans l’Indre, est tout aussi abracadabrantesque.

RACHEL PRETTI

« Les mecs, ce sont les Pieds Nickelés! Ils se rendent compte lors des Jeux de Tokyo que le terrain prévu pour le tir aux Jeux de Paris est trop petit. Il manque trois hectares quand même!» , flingue un observateur averti. Au retour des derniers Jeux d’été, l’équipe de Tony Estanguet, patron de Paris 2024, réalise en effet qu’elle a vu trop petit pour le plus gros site temporaire des Jeux, depuis qu’elle a renoncé au stade aquatique olympique et délocalisé la natation course à Paris La Défense Arena à Nanterre.

Les trois épreuves du tir doivent se dérouler aux Essences, ancien terrain militaire cédé pour un euro symbolique parle ministère des Armées à la Sein e-SaintDenis et nécessitant un coûteux (12 M €) travail de dépollution. L’idée est de squatter le boulodrome qui jouxte le terrain, ou, carrément, de déménager les épreuves au Centre national de tir sportif de Châteauroux- Déols (CNTS) dans l’Indre.

“On a appris les difficultés de La Courneuve et comme on nous a répété que les Jeux devaient être exemplaires financièrement et sur le plan environnemental, on se manifeste

FLE'UR'ET, MARC PRÉSIDENT DU DÉPARTEMENT DE L’INDRE

« Au lieu de mettre des postiches en allant à Châteauroux, ils ( les dirigeants du COJO) s’y sont rendus de manière trop ouverte et cela a créé un certain émoi», révèle Nicolas Ferrand, directeur général de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) le 17mars. Leur visite confidentielle n’est pas passée inaperçue puisque, dès le 14janvier, le directeur du CNTS alerte le maire de la ville, Gil Avérous, pour l’informer qu’une délégation de Paris 2024 et de la Fédération française de tir est venue en repérage.

Une semaine plus tard, la lettre adressée à Tony Estanguet par le préfet d’Île-de-France fuite comme par hasard. Marc Guillaume pointe le risque de devoir lancer« une nouvelle procédure d’ autorisation environnementale », qui retarder ait les opérations de dépollution et d’aménagement de douze mois, sur un site qui ne figure pas dans le projet initial et peut donc être contesté.

Les premiers travaux d’aménagement du site ont d’ailleurs été suspendus plusieurs semaines en 2021, à la suite du recours des riverains et des défenseurs des crapauds calamites, nombreux sur le terrain des Essences et espèce protégée.

La réaction des élus de SeineSaint-Denis ne se fait pas attendre. Ils rappellent que le site, qui fait partie du « cluster des médias» avec Dugny et Le Bourget, a déjà vu partir le badminton, le volley-ball et que le village sera finalement construit en deux temps avant et après les Jeux. Stéphane Troussel, président de SeineSaint-Denis, furieux d’apprendre la mauvaise nouvelle par la presse, enfourche son vélo un dimanche matin pour se rendre sur le site du boulodrome, en lisière du parc Georges-Valbon. Il croise Michel Cadot, délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop), qui a eu la même idée.

Dès lors, les discussions et tractations ne vont cesser entre le Dijop, les élus du département, les fédérations internationale et nationale et Paris 2024 pour tenter de trouver une issue. Les promoteurs de Châteauroux en profitent. «On a appris les difficultés de La Courneuve et comme on nous a répété que les Jeux devaient être exemplaires financièrement et sur le plan environnemental, on se manifeste» , nous explique Marc Fleuret, président du département de l’Indre, le 8février alors qu’il est l’un des nombreux signataires d’une tribune en faveur du site. Quatre jours plus tard, l’élection de Michel Baczyk à la tête de la FFTir apporte une caution sportive supplémentaire puisque la Fédération internat ionale (ISSF) est partante pour Châteauroux. L’ancien président Philippe Crochard avait en effet défendu la construction d’un centre de tir pérenne à Saint-Witz (Val-d’Oise) comme alternative au choix de Paris 2024, qui l’avait retoqué car trop cher.

Un troisième signe fait croire aux promoteurs de CNTS que leur destin est olympique: au retour d’une chasse dans le département, avec une poignée de chefs d’entreprise et de personnalités politiques, un élu révèle que le feu passera au vert quand le Premier ministre Jean Castex aura quitté le gouvernement. Personne ne veut, d’ici là, mettre en porte-à-faux l’ancien Dijop, qui s’est engagé à ce que la SeineSaint-Denis ne soit pas une «variable d’ajustement».

“C’est un jour historique pour notre ville et notre agglomération

Pour mettre toutes les chances de leur côté, les élus de l’Indre sondent un célèbre cabinet de lobbying parisien puis le lobbyiste des chasseurs, Thierry Coste, mais ces deux pistes ne mènent nulle part. Pendant ce temps, le COJO souffle toujours le chaud en direction de la Seine-SaintDenis et Stéphane Troussel confirme le 17 mars que les élus «font tout pour que le tir reste à La Courneuve » . En coulisses, les tractations ont déjà commencé. Une semaine après le Championnat du monde de para tirauCNTS, qui s’achève le 13juin, Paris 2024 officialise le départ du tir de La Courneuve. En échange, la Seine-Saint-Denis hérite du tournoi préliminaire de boxe, des épreuves préliminaires d’escrime, du pentathlon moderne et encore du volley assis. Elle gagne aussi le départ du paramarathon et de l’épreuve de cyclisme ouverte à tous depuis La Courneuve, ville où sera implantée une fanzone officielle.

Les pro-Châteauroux manquent pourtant de s’étrangler quand, une semaine avant le conseil d’administration de Paris 2024 qui doit acter la nouvelle carte des sites, Étienne Thobois, directeur général, leur demande de patienter jusqu’en septembre quand tous les changements seront validés puisque l’atterrissage du basket à Lille fait toujours polémique. Ils obtiennent finalement le vote d’une recommandation en faveur du CNTS et reçoivent jeudi 7 juillet à 22 heures le cahier des charges de 40 pages. La lettre d’engagement des collectivités est envoyée in extremis la veille du conseil d’administration qui désigne la ville et métropole de Châteauroux comme ville hôte. «C’est un jour historique pour notre ville et notre agglomération», poste le maire Gil Avérous, le 12juillet. Et si le plus dur ne faisait que commencer?

GIL AV'ÉR'OUS, MAIRE DE CHÂTEAUROUX

JO-2ANS

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2022-07-26T07:00:00.0000000Z

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